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No SCRUM no win

A l’occasion de la Coupe du Monde en France, retour sur les relations entre le rugby et les méthodes agiles.

Depuis leurs origines, le rugby a servi de modèle métaphorique aux méthodes agiles. Pour donner une image de la révolution méthodologique qu’ils imaginaient, Hirotaka Takeuchi and Ikujiro Nonaka écrivaient dès 1986 dans un article fondateur1 : « comme au rugby, la balle est transmise dans l’équipe pendant qu’elle progresse en bloc sur le terrain ». Et ils donnaient les 6 conditions pour faire progresser la mêlée (« Moving the Scrum Downfield »). Le nouveau paradigme s’opposait à l’approche « traditionnelle », séquentielle, de la gestion de projet, vue comme une course de relais où chacun fournit son effort à tour de rôle.

Il n’est pas besoin de bien connaître le rugby pour comprendre de quoi il s’agit, mais, au fond, le rugby est-il agile ?

En 1986, en tout cas, il ne l’était pas du tout. Le cloisonnement des rôles était total : aux avants la conquête, aux demis la transmission, aux trois-quarts l’exploitation de la balle (quand elle arrivait jusque-là). Chacun à sa place reproduisait ce qui avait été travaillé à l’entrainement. Et paradoxalement la mêlée est, avec la touche, la phase la moins agile du jeu. Le mantra « No scrum no win » marquait l’horizon d’un rugby restrictif où on voyait peu le ballon et où les valeurs mises en avant étaient le sacrifice et la férocité. Le XV de France, sous la direction de Jacques Fouroux, a été longtemps un des symboles de ce rugby-là qui reste toujours ancré dans l’ADN de nombreux clubs du top 14. Parfois, les plus anciens d’entre nous ont la faiblesse de regretter cette époque.

Mais ça c’était avant

En même temps qu’on commençait à parler des méthodes agiles, le rugby s’est progressivement transformé. Il y a eu des changements de règles, et le modèle gagnant de certaines nations du sud comme l’Australie. En France, Pierre Villepreux a été le premier à mettre en pratique les nouvelles façons de penser le rugby, avec Toulouse puis avec le XV de France. Comme pour les méthodes agiles, le mouvement est parti d’approches théoriques (synthétisées sous le terme de « rugby total »2 ), moquées au début, puis progressivement adoptées. Les concepts sont les mêmes avec des appellations différentes : on parle d’ « intelligence situationnelle» au rugby, quand le guide SCRUM invite à « générer de la valeur grâce à des solutions adaptatives ». On met en avant dans les deux cas les concepts d’adaptation, d’autogestion des équipes. Les cinq valeurs du SCRUM : « Engagement, focus, ouverture, respect et courage » pourraient aujourd’hui être affichées au-dessus de la porte du vestiaire.

Alors pour cette coupe du monde, construisons notre SCRUM Team :

Product owner : Le sélectionneur / Entraineur

Developers : Joueurs + staff (entraineurs spécifiques, directeur de la performance, analyste, etc.)

Scrum master : l’arbitre

Chaque match est un sprint, le sprint backlog est le plan de jeu élaboré pour ce match. Un seul Stand-Up Meeting aura lieu à la mi-temps et on adoptera comme Definition of Done : gagner.



  1. The New New Product Development Game - Hirotaka Takeuchi and Ikujiro Nonaka – The Magazine 1986 ↩︎

  2. “Rugby de mouvement, rugby total” – René Deleplace (1979) ↩︎